Sylviane Sambor com Eduardo Lourenço, Bordéus, Maio de 2002. |
Merci, du fond du cœur, Professeur
Lourenço !
Comment évoquer avec des mots justes Eduardo Lourenço, et dire combien
il a marqué et transformé au fil des 25 dernières années la Française que je
suis, qui était tellement ignorante du Portugal lorsque la chance m’a fait
croiser sa route ?
Comment exprimer l’affection mêlée d’admiration, le ravissement
toujours renouvelé - la tendresse même - qu’il suscite en moi depuis notre
première rencontre.
C’était, je crois, à la Closerie des Lilas à Paris en novembre 1988 à
l’occasion des Belles Etrangères Portugal : rêveur ou distrait, Eduardo
avait oublié l’invitation du CNL et avait déjà dîné… Tandis que, gourmand, il
se (re)mettait à table, je découvrais ce soir-là le formidable
«professeur Tournesol», curieux de tout et de tous, poète de la
langue et des idées, qui m’est souvent apparu, ensuite, comme un chasseur – non
pas de papillons, encore que… ! – mais de fulgurantes associations et de
lumineuses constructions intellectuelles.
Avec cette manière quasi orientale de tourner autour de l’idée pour
mieux la saisir et l’envelopper, il nous offre généreusement la sensation
d’accéder vraiment à l’intelligence sensible, à l’intelligence
supérieure ; et nous en sortons grandis.
D’autres, plus compétents que moi, loueront les différentes facettes de
son œuvre considérable. Pour ma part, je souhaite avant tout et surtout retenir
le poète qui sut, par exemple, mieux que nombre d’autres écrivains
majeurs avant lui, traduire en quelques mots le génie et la radicale modernité
de Montaigne : « Si Montaigne
ne savait pas qui il était, et si, pour le savoir, il s’est mis à écrire, il
savait qu’il était »*. [Montaigne ou la vie écrite,
L’Escampette, 1992 & 2004.]
Longue serait la liste des souvenirs et des émotions qu’il faudrait
encore convoquer : telle sa première rencontre avec Antonio Lobo Antunes
dans une bibliothèque de Bordeaux en mai 2002 qui m’avait transportée de
bonheur ; ou ces jours passés à Vence, avec Claude, mon compagnon créateur
des éditions L’Escampette, au milieu de l’indescriptible capharnaüm qu’était
son bureau…
Merci enfin pour cette autre part de l’immense dette que j’ai envers
lui, puisque je lui dois de m’avoir révélé pourquoi je me sens si profondément
européenne.
*Sylviane Sambor. Directrice du Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes.
Texto inédito getilmente enviado pela Autora para Ler Eduardo Lourenço.